L’EXPLOIT : LA CAMPAGNE ARDENNAISE
Avant la Flèche wallonne, l’équipe Casino a déjà remporté 24 courses et pointe à une unité de son total de l’année passée. Cependant, ces victoires ont eu lieu sur des courses plutôt mineures. Rolf Jaermann a bien remporté Tirreno-Adricatico, mais il a bénéficié d’une certaine réussite. Sur les classiques pavées, l’équipe a été discrète. A Milan-San Remo, il y avait trois Casino sur les 18 qui se présentent pour la victoire, mais ils n’arrivent pas à piéger les sprinters.
Cette réussite s’explique en partie par un hiver studieux durant lequel l’équipe s’est réunie lors de quatre stages. Le travail préalable paie en ce début de saison, mais il est possible que l’équipe s’éteigne petit à petit.
Au départ de la Flèche wallonne, le grand favori est Laurent Jalabert. Son équipe ONCE assume le poids de la course et le Français attaque dans une côte emmenant Boogerd avec lui. Cependant, dans la dernière difficulté avec le Mur d’Huy, il coince. Dans la montée finale, les favoris se regardent un peu et Bo Hamburger en profite et offre la victoire à Casino. Une première dans une grande classique pour Vincent Lavenu qui place également Alberto Elli sur le podium (3ème). Cette victoire est logique pour le manager français : "Mes coureurs ont beaucoup gagné et c’est un gros atout dans la conduite des courses. Les autres équipes sont plus impatientes et sont obligées de prendre des risques." (1)
L’équipe vise maintenant une épreuve de Coupe du Monde. Rodolfo Massi se rapproche du but en terminant 3e de Liège-Bastogne-Liège, sans avoir pu réellement disputer la victoire. Il ne reste plus qu’une chance sur l’Amstel Gold Race. Au 200ème kilomètre, sept coureurs s’isolent en tête dont deux Casino et deux Rabobank ainsi que Bartoli, le leader de la Coupe du Monde. Logiquement les équipes en surnombre créent la décision et Rolf Jaermann et Martin Den Bakker s’échappent. Ce dernier tente de finir seul, mais le Suisse de Casino ne se laisse pas piéger et le règle sans difficulté au sprint. Lavenu est aux anges : "C’est fait. En début de saison, c’était (…) un objectif prioritaire. On tournait autour et on a réussi à passer ce cap. C’est un rêve qui s’accomplit après sept ans de travail. Ca fait vraiment énormément plaisir." (2)

UNE SAISON DE RÊVE : PLUS DE 60 VICTOIRES
A la fin de l’année 1998, l’équipe Casino comptabilise 66 victoires remportées par 18 coureurs différents (pour un effectif de 22) et pointe à la deuxième place du classement UCI par équipes.
Jaan Kirsipuu a atteint la plénitude de ses moyens avec 16 succès. Sur des Coupes de France bien-sûr, mais certaines sont plus prestigieuses comme lorsqu’il bat Erik Zabel sur la Route du Sud. Il ne concrétise pas sur le Tour de France, mais remporte une étape du Tour d’Espagne.
Le Tour de France était un des grands objectifs de l’équipe et elle ne va pas se rater. Dès la troisième étape, Casino place deux coureurs dans l’échappée qui va au bout et Bo Hamburger endosse le maillot jaune. Il faut attendre plusieurs jours avant qu’une échappée réussisse à nouveau à jouer la gagne et Casino met encore au fond avec Jacky Durand. Le lendemain, Christophe Agnolutto est moins en réussite (4e), mais le jour suivant pour la première étape de montagne, il y a encore deux Casino dans l’échappée dont Rodolfo Massi qui l’emporte et endosse le maillot à pois. La suite de la course sera plus délicate. Alors que la course arrive à domicile en Savoie, l’équipe subit une perquisition policière et Massi ne peut repartir le lendemain alors qu’il est 7e au général et leader du GP de la montagne avec une avance confortable.
En fin de saison, l’équipe ajoute une nouvelle victoire de prestige à son butin lorsque Jacky Durand remporte Paris-Tours, mettant fin à 42 ans d’attente pour les Français. Autre coureur marquant de l’effectif, Alexandre Vinokourov se distingue pour ses débuts pros avec 6 victoires dont les Quatre jours de Dunkerque.
L’équipe a souvent réalisé de grosses performances collectives comme des doublés au Tour méditerranéen (Massi 1er, Hamburger 2ème), au Tour de Valence (Chanteur 1er, Hamburger 2ème), au Tour de Murcie (Elli 1er, Vinokourov 2ème), au GP de Rennes (Chanteur 1er, Bouvard 2ème), au Tour du Vaucluse (Salmon 1er, Kasputis 2ème), aux Quatre jours de Dunkerque (Vinokourov 1er, Kasputis 2ème) ou au Tour de l’Oise (Vinokourov 1er, Aus 2ème). Sur cette dernière course, elle remporte également toutes les étapes (trois) et sur l’étape de côtes du Critérium international, Casino réalise le triplé.

AVANT 1998 : LE BUDGET AMÈNE LES RÉSULTATS
En 1992, Vincent Lavenu lance l’équipe Chazal dotée d’un budget modeste. L’équipe réalise une première saison encourageante mais stagne ensuite malgré trois participations au Tour de France. En 1996, Chazal se retire et Petit Casino arrive. La non-participation au Tour est un déclic puisque le sponsor décide de mettre les moyens pour monter en première division.
L’équipe se nomme alors Casino. Pour accéder à l’élite, l’équipe met les moyens et prospecte à l’étranger. Sa principale recrue s’appelle Pascal Richard, champion olympique en titre. Lavenu se défend d’avoir alors recruté des mercenaires : "Que voulez-vous, pour passer de la deuxième à la première division, il faut aussi des points. Nous sommes allé les glaner en Suisse et surtout en Italie. Les Italiens, ce sont eux qui ont fait prendre le ciment. Spontanément ils ont mis à disposition leur expérience et leur sens du métier." (3) La réussite est au bout avec des victoires au championnat de France (Barthe), le Tour de Suisse (Agnolutto) ou le GP du Midi Libre (Elli).
Cependant, l’équipe est la seule équipe française à ne pas avoir remporté d’étape sur le Tour de France.
En 1998, l’équipe penche toujours du côté de l’Italie. Lavenu expliquera cette réussite par la bonne préparation de son équipe, notamment pas son médecin Daniele Tarsi. Le Français s’est intéressé à ce qui se passait en Italie où "on s’entraînait plus et mieux" (4) et où on apprend à cuire les pâtes "sept minutes, pas une de plus, sinon les bienfaits ne sont plus les mêmes." (5) L’équipe a aussi bien planifié sa saison, les pics de forme des coureurs se succédant au fil de l’année, l’émulation faisant le reste : ."Nos victoires, on va les chercher. Tous les gars partagent cet esprit de l’offensive et se renvoient l’ascenseur. (…) Ils sont interchangeables et savent que leur tour viendra." (5)

APRÈS 1998 : VICTIME COLLATÉRALE DE L’AFFAIRE FESTINA
L’affaire Festina du Tour 1998 va effrayer Casino qui annonce son retrait pour la fin 1999. Un coup dur pour une équipe qui discutait d’une prolongation avant le Tour. Avec un budget réduit, Lavenu ne peut pas conserver ses « Italiens » : Richard, Elli, Massi, Saligari, Jaermann et Hamburger s’en vont. Tout comme Tarsi.
La saison 1999 va cependant être une belle réussite avec plus de 40 victoires car Lavenu a réussi à conserver Jaan Kirsipuu et Alexandre Vinokourov. Le premier remportera, entre autre, une étape du Tour de France et passera 7 jours en jaune et le second remportera le Critérium du Dauphiné Libéré.
A la fin de l’année, l’équipe aura retrouvé un partenaire avec AG2R Prévoyance qui était co-sponsor depuis 1997. 10 ans après, l’équipe court toujours sous le même nom. Si le Tour de France lui a souvent réussi, elle n’a jamais été en mesure de briller sur les classiques comme en 1998.
En 2005, Lavenu reconnaîtra à demi-mots qu’il y avait peut-être aussi une autre explication à sa saison 1998 : "De nôtre côté, nous n’avons jamais eu un coureur positif, ce qui, je veux bien l’admettre n’est pas un argument" (6)

(1) Le Progrès 17/04/1998
(2) L’Équipe 27/04/1998
(3) L’Équipe 14/01/1998
(4) L’Équipe 15/02/1998
(5) L’Équipe 18-19/04/1998
(6) L’Équipe 07/2005